CRISTAL
Vers le milieu de la matinée, Ben et ses compagnons cessèrent enfin leur course. Ils étaient sortis du Melchor sans encombre et se retrouvaient au pied des collines d’où les lutins mutins avaient été enlevés. Ceux-ci s’étaient égaillés depuis longtemps, et les trolls de roche avaient abandonné la poursuite. Il n’y avait donc plus de raison de se presser.
Mais attention, se dit Ben en s’adossant à un tronc d’arbre, ils avaient fui. C’était un aveu terrible. Il aurait été mille fois plus satisfaisant de décrire leur départ sous le terme d’évasion, mais, à la vérité, ils s’étaient sauvés sans demander leur reste.
Installés en cercle sur le sol, ils déjeunèrent de quelques feuilles et tiges de Bonnie Blues tout proches, et se désaltérèrent à une source qui courait le long de la montagne. Ils n’avaient rien d’autre à manger ni à boire : leurs possessions, y compris les chevaux, étaient restées chez les trolls.
Ben mâchait et avalait machinalement en rassemblant ses idées. Il pourrait toujours peser le pour et le contre, ergoter sur les détails, mais la situation du roi de Landover n’était pas brillante. Ses résultats étaient lamentables : à part les quelques individus assis autour de lui, il ne s’était rallié aucun des habitants du royaume. Les seigneurs de Vertemotte, amis traditionnels du trône, l’avaient reçu froidement, puis avaient tenté de l’acheter et enfin l’avaient pratiquement jeté hors de Rhyndweir. Le Maître des Eaux lui avait fait meilleur accueil, mais c’était parce qu’il se moquait éperdument de ce que pouvait faire ou dire la Couronne, croyant le salut de son peuple entièrement entre ses mains. Quant aux trolls de roche, ils l’avaient fait prisonnier et l’auraient très certainement fait rôtir s’il n’avait pu s’échapper de leur enclos à bestiaux, et ce grâce à la persévérance de Salica et à des circonstances favorables, qui avaient permis que Questor fasse enfin bon usage de ses pouvoirs magiques.
Il y avait les lutins mutins, évidemment. Fillip et Sott lui avaient prêté serment. Mais quelle valeur avait leur parole ? Que valait une alliance avec un peuple souterrain que tous les autres habitants du pays méprisaient pour leurs vols et leurs forfaits divers ?
— Bon, quelle est exactement notre situation ? demanda-t-il à voix haute, ce qui fit lever la tête à ses compagnons. Les seigneurs de Vertemotte me prêteront serment le jour où je les débarrasserai du dragon. Le Maître des Eaux en fera autant lorsque j’aurai arraché aux seigneurs de Vertemotte et à bien d’autres la promesse qu’ils ne pollueront plus les rivières et qu’ils travailleront tous ensemble à entretenir la propreté de la vallée. Ben voyons. Les trolls de roche, eux, me prêteront serment le jour où je retournerai au Melchor sans craindre de me voir transformer en rosbif. Simple formalité, quoi. C’est un tableau à peu près complet, non ?
Personne ne lui répondit. Questor et Abernathy échangèrent un regard, tandis que Salica semblait n’avoir pas compris. Les kobolds le regardaient de leurs yeux brillants tout en découvrant leurs dents tranchantes.
Ben rougit à la fois de honte et de colère.
— La vérité pleine et entière, c’est que je n’ai fait absolument aucun progrès. Zéro, rien, des clous. Des questions ?
— Sire, dit Questor, vous êtes beaucoup trop sévère envers vous-même.
— Ah oui ? Qu’ai-je donc dit qui n’était pas vrai, Questor Thews ?
— Ce que vous avez dit était vrai en soi, Sire, mais vous avez oublié un élément très important dans votre énumération.
— Et lequel, je vous prie ?
— La difficulté de votre position. Il n’est pas facile d’être roi de Landover, même lorsque tout va bien.
Les autres hochèrent la tête en signe d’accord.
— Non, reprit Ben, je ne peux accepter ce raisonnement. Je ne peux pas accuser les circonstances. Les circonstances, on les prend comme elles viennent et on en tire le meilleur.
— Qu’est-ce qui te fait croire que tu n’as pas accompli cela, Ben ? demanda Salica.
— Mais… Parce que je ne l’ai pas fait ! Je n’ai pas su persuader les seigneurs de Vertemotte, ni ton père, ni ces satanés trolls, de faire ce que je voulais ! Si tu ne nous avais pas suivis, et si Questor n’avait pas réussi son tour de magie, nous serions tous morts à l’heure qu’il est !
— Je ne crois pas que ma magie vous ait été d’un bien grand secours, objecta Questor, mal à l’aise.
— Vous êtes tout de même parvenu à sauver les lutins, Sire, lui rappela Abernathy. Personnellement, je trouve que c’était peine perdue, mais à supposer que leur vie ait une valeur quelconque, ils vous en sont redevables. C’est vous qui avez insisté pour que nous les prenions avec nous.
Une nouvelle fois, l’assistance approuva d’un hochement de tête. Ben reprit la parole en regardant ses compagnons tour à tour.
— Je vous remercie de votre vote de confiance, mais je crois qu’il est déplacé. Pourquoi ne pas accepter la vérité ? Je ne suis pas à la hauteur de mes responsabilités.
— Vous faites de votre mieux, Sire, et personne n’en demande davantage, insista Questor.
— Et personne ne saurait en faire plus, renchérit Abernathy. Je suis scribe royal depuis de plus nombreuses années que vous n’en avez vécu. Cela ne se conçoit peut-être pas facilement étant donné ma forme actuelle, mais je vous demande de me croire sur parole. J’ai vu des rois de Landover se succéder, le vieux roi et tous ceux qui sont venus après lui. Je les ai observés tandis qu’ils tentaient de gouverner. Je les ai vus appliquer leur sagesse et leur compassion. Certains étaient capables, d’autres non. (Il tendit la patte d’un air convaincu.) Mais je peux vous dire, Sire, que personne, et même pas le vieux roi, n’a jamais été si prometteur que vous !
Il se tut et s’assit lentement sur ses pattes de derrière. Ben était soufflé. Jamais il n’aurait espéré recevoir un si vibrant éloge de la part du scribe cynique. Il sentit la main de Salica prendre la sienne.
— Ben, tu dois croire ce qu’il a dit. La partie de moi-même qui vient de ma mère me dit que tu es exceptionnel, différent. Je te crois fait pour être roi de Landover. À mon avis, personne d’autre que toi ne devrait même essayer de le devenir.
— Les kobolds sont d’accord, ajouta Questor. Ils disent eux aussi que vous êtes différent, que vous faites preuve de courage et de force. Vous êtes le roi qu’ils veulent servir.
Ben s’adossa contre un tronc d’arbre, désespérant de leur faire comprendre qu’ils se trompaient sur son compte. Ses compagnons le contemplèrent en silence tandis qu’il cherchait un argument qui les convaincrait. Mais il ne trouvait rien à dire.
Questor se leva enfin. On aurait dit que le poids du monde écrasait ses épaules. Son visage était si tendu qu’il avait l’air de souffrir. Il se redressa lentement.
— Sire, il y a quelque chose que vous devez savoir. Je vous ai déjà dit que mon demi-frère vous avait délibérément choisi comme acheteur de Landover parce qu’il croyait que vous échoueriez et que le royaume lui reviendrait une nouvelle fois, comme c’est arrivé à chaque vente depuis la mort du vieux roi. Il voyait en vous un raté total, Sire. Il comptait là-dessus, en fait.
— Eh bien, ironisa Ben, les bras croisés, il ne sera pas déçu quand il verra quelle tournure prend la situation, hein ?
Questor s’éclaircit la gorge et dansa d’un pied sur l’autre.
— Justement, Sire, il sait très exactement comment les choses se passent, et il est très déçu.
— Écoutez, Questor, je m’en f… (Il s’arrêta net et regarda le magicien.) Que dites-vous ? Il sait ce qui se passe ici ? Exactement ? (Il se leva pour faire face à son interlocuteur.) Comment est-ce possible, Questor ? Ses pouvoirs n’atteignent plus ce monde, que je sache ? Vous avez dit qu’il n’avait rien pu emporter en quittant Landover, sauf le médaillon. Il a abandonné tout le reste. Alors comment peut-il savoir ce qui se passe ici ?
Questor restait étrangement calme, et son visage était devenu un masque mortuaire.
— Je le tiens au courant, Sire, répondit-il sans flancher.
Il y eut un silence interminable. Ben ne parvenait pas à croire ce qu’il venait d’entendre.
— Vous le tenez au courant, vous ?
— J’y suis contraint, Sire. (Cette fois, Questor baissa les yeux.) Cela fait partie du marché que j’ai conclu avec lui lors de son départ avec le fils du roi. Je serais enchanteur royal en son absence, mais je m’engageais à lui faire mon rapport sur les progrès des prétendants au trône qu’il m’enverrait. Je devais lui parler des échecs, mais aussi des réussites, le cas échéant. Il voulait se servir de ces informations pour sélectionner les candidats ; il saurait ainsi quelles faiblesses rechercher.
Tout le monde s’était levé, mais Questor n’y prêta pas attention et continua :
— Je ne veux plus de secrets entre nous. Il y en a déjà eu trop, je le crains. Alors je vais vous révéler le dernier d’entre eux. Je vous ai dit que plus de trente souverains s’étaient succédé depuis la mort du vieux roi, mais seuls les huit derniers venaient de chez Rosen. Cinq d’entre eux n’ont pas tenu jusqu’à la fin de la période d’essai. Imaginez un instant les conséquences, Sire : cela veut dire que cinq fois au moins, le magasin aurait dû rembourser le client. Par cinq fois, mon demi-frère aurait perdu la vente. Un million de dollars multiplié par cinq. Mauvaise affaire, mauvaise publicité. Ni le magasin ni mon demi-frère n’auraient pu tolérer des pertes pareilles. Cela me donne à penser que ces échecs n’ont jamais été découverts, et je crois que la plupart des ventes, sinon toutes, ont été conclues à l’insu de Rosen. Et la frustration des clients a été étouffée de la manière la plus expéditive.
— Questor, qu’êtes-vous en train de dire ? demanda Ben dans un souffle.
— Que si vous utilisiez le médaillon pour retourner dans votre monde, Sire, vous vous apercevriez que votre argent a disparu, avec une bonne partie de votre espérance de vie.
Abernathy était furieux et retroussait les babines en grognant :
— Je savais bien qu’on ne pouvait pas te faire confiance, le mage !
— Un instant, interrompit Ben en levant la main. Il n’était pas obligé de me dire tout cela, il a choisi de le faire. Pourquoi, Questor ?
— Pour que vous sachiez combien je crois en vous, Noble Seigneur Ben Holiday. Mes camarades ici présents ont tenté de faire de même, mais vous ne les avez pas écoutés. J’espère que cette confession y parviendra, et que vous croirez enfin en vous-même. Je vois en vous le roi que Landover attendait. Et mon demi-frère l’a vu aussi. Il s’est montré plus qu’inquiet lorsque vous avez refusé de renoncer là où tant d’autres l’avaient fait. Il craint que vous trouviez moyen de conserver le trône. Il a peur de vous, Sire.
— Écoute-le, Ben, dit Salica en serrant le bras du roi. Je crois ce qu’il dit.
— Mon demi-frère et moi avons conclu un autre marché, Sire, reprit Questor, tout honteux. Je dois avouer que je n’ai pas eu la force de refuser. Ses grimoires de magie, les secrets accumulés par des enchanteurs royaux depuis la nuit des temps, tout cela est caché quelque part dans le royaume. Il est le seul à savoir où. Il n’a pas pu les emporter et m’a promis de me les donner. À chaque nouvel échec d’un roi, il me révèle un peu plus de savoir. Je ne fais rien pour pousser à la roue, Sire, mais l’appât est irrésistible. J’apprends peu à peu. Je sais qu’il ne me donnera jamais ses livres, et qu’il se sert de moi comme d’un pion. Mais je crois que tôt ou tard il dira un mot de travers et me confiera un secret de trop, et alors je serai en mesure de découvrir les grimoires et d’en finir avec lui ! Je l’ai laissé se servir de moi car il n’y avait pas d’autre moyen. Mes intentions ont toujours été pures. Je veux voir ce pays retrouver sa grandeur passée. Je suis prêt à tout pour atteindre ce but. Je chéris mon pays plus que ma vie !
Ben considéra Questor sans rien dire, en proie à des sentiments mêlés. Salica lui tenait toujours le bras et ses doigts avaient resserré leur étreinte pour lui faire comprendre qu’elle croyait Questor sincère. Abernathy restait sur ses gardes. Quant aux kobolds, ils demeuraient muets aux côtés de Ben, qui ne lisait rien sur leur visage sombre.
Il se retourna vers l’enchanteur et déclara d’une voix rauque :
— Questor, vous m’avez rappelé plus d’une fois que je pouvais utiliser le médaillon pour retourner chez moi.
— Je devais mesurer la profondeur de votre engagement, Sire ! se défendit Questor. Il fallait que vous ayez le choix !
— Et si j’avais choisi de m’en servir ?
Silence interminable.
— J’aime à penser… que je vous aurais arrêté à temps, répondit enfin Questor, les larmes aux yeux.
Ben comprit qu’il était à la fois honteux et peiné, et lui répondit simplement :
— J’aimerais le croire moi aussi, Questor. (Il réfléchit un instant, puis posa la main sur l’épaule du magicien.) Comment communiquez-vous avec Meeks ? Comment lui parlez-vous ?
Questor prit un moment pour se calmer, puis fouilla dans les plis de ses vêtements. Il en sortit un objet que Ben examina. C’était le cristal que Questor Thews portait le jour de l’arrivée de Ben à Landover Ben l’avait presque oublié. Il l’avait aperçu plusieurs fois depuis, mais n’y avait jamais fait très attention.
— Ce cristal lui appartient, Sire, expliqua Questor. Il me l’a donné en quittant le royaume. Je le réchauffe entre mes mains et son visage y apparaît. Je peux alors converser avec lui.
— Meeks a-t-il un autre moyen de communication avec Landover ?
— Je ne crois pas.
— Avez-vous assez confiance en moi pour me céder ce cristal ? demanda-t-il presque à voix basse en soupesant l’objet.
— Il est à vous, Sire, répliqua immédiatement le magicien.
Ben hocha la tête et sourit faiblement. Il rendit le cristal à Questor et lui dit :
— Appelez Meeks pour moi, voulez-vous ?
Après un instant d’hésitation, Questor plaça le cristal au creux de ses mains. Abernathy, Salica et les kobolds se rapprochèrent. Ben sentait son cœur battre à toute allure. Il ne croyait pas devoir retrouver Meeks si vite, mais à présent qu’il était sur le point de le revoir, il ne se tenait plus d’impatience.
Questor écarta délicatement les mains et souleva le cristal par sa chaîne. Meeks apparut au centre de la pierre. La surprise se lisait dans ses yeux perçants. Ben se pencha pour se mettre à hauteur.
— Bonjour, monsieur Meeks. Comment ça va, à New York ?
Le visage du vieil homme se crispa de colère, et il lui adressa un regard sinistre. Ben n’avait jamais vu une telle haine.
— Vous n’êtes pas très bavard, dites-moi, enchaîna Ben avec son plus beau sourire d’avocat. Oh, je ne vous en veux pas. Les choses ont plutôt mal tourné pour vous, hein ? (La main gantée de Meeks s’éleva en signe d’avertissement.) Ne vous donnez pas la peine de répondre, rien de ce que vous avez à dire ne m’intéresse. Je veux juste que vous sachiez quelque chose : votre petit navire est en train de couler !
Puis, il se leva et se dirigea vers quelques rochers à fleur de terre près d’une colline. Il y brisa le cristal jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que quelques fragments, qu’il écrasa sous son talon.
— Au revoir, monsieur Meeks.
Il se retourna vers ses compagnons et alla les retrouver. Cinq paires d’yeux étaient fixées sur lui.
— Je crois que nous n’entendrons plus parler de ce Meeks, déclara-t-il. Nous voici revenus à la case départ.
— Sire, permettez-moi de dire quelques mots, dit Questor avec une agitation mal contenue. Je n’ai pas menti lorsque j’ai dit que mon demi-frère avait décelé en vous une certaine force de caractère. J’ai commis beaucoup d’erreurs et je sais qu’il vaut mieux que vous continuiez votre route sans moi, mais vous, Sire, n’abandonnez pas la lutte. Soyez le roi que vous vouliez être !
Il attendait la réponse de Ben. Celui-ci promena son regard sur ses camarades : Salica, dont les yeux brillaient d’autre chose que de simple confiance ; Abernathy, sardonique et méfiant ; Ciboule et Navet, dont la face simiesque laissait deviner un savoir bien caché. Chacun de ces visages était comme un masque de théâtre, mais la pièce n’était pas encore jouée. Qui étaient-ils vraiment, se demanda-t-il, et qui était-il, lui ?
Soudain, il se retrouva loin de tout ce qui avait été sa vie avant son voyage vers ces étranges contrées. Partis, les grands immeubles de bureaux, les avocats, le système judiciaire des États-Unis d’Amérique, les villes, les gouvernements, les codes, les lois. Seul restait ce qui n’existait pas : les dragons, les sorcières et les créatures de toutes sortes, les châteaux forts et les enchanteurs, les damoiselles et les mages, les sortilèges et l’enchantement. Il commençait une nouvelle vie dont toutes les règles étaient nouvelles. Il avait sauté dans le gouffre de l’inconnu et n’en avait toujours pas touché le fond. Il se mit à sourire.
— Questor, je n’ai nulle intention d’abandonner la lutte. Comment le pourrais-je, devant une telle manifestation de confiance ? Comment jeter l’éponge alors que j’ai des amis tels que vous derrière moi ? Non le combat continue, et nous avec.
Salica était aux anges, les kobolds sifflaient en signe de satisfaction, Questor était soulagé. Même Abernathy hochait la tête avec approbation.
— À une condition, toutefois, reprit Ben. Nous avons commencé ensemble, et nous finirons ensemble. Le passé est le passé, Questor. Nous avons besoin de vous.
L’enchanteur leva sur Ben un regard incrédule.
— Sire, je ferais n’importe quoi si vous le vouliez mais… je ne puis…
Il s’arrêta, gêné, et se tourna vers ses compagnons.
— On vote, lança Ben. Questor viendra-t-il avec nous ? Ciboule, Navet ? (Ils firent oui de la tête) Salica ? (La sylphide approuva elle aussi.) Abernathy ?
Le chien le fixa du regard sans fléchir et garda le silence. Ben attendit. On aurait dit que le scribe était une statue de pierre.
— Abernathy ? répéta doucement Ben.
— Je crois qu’il est encore moins fin psychologue que magicien, mais je crois aussi qu’il est de bonne foi, répondit enfin Abernathy. Qu’il vienne avec nous.
— Bravo, Abernathy ! conclut Ben. Nous voilà unis une fois de plus. Allons, Questor, vous venez avec nous ?
Tout rougissant, un sourire timide au coin des lèvres, le magicien répondit :
— Oh, oui, Sire, je vous suis.
Ben jeta un regard à la ronde en se disant qu’ils étaient tous fous, puis leva les yeux vers le ciel. Le soleil n’était plus qu’une boule blanche et cotonneuse. Il était près de midi.
— Il vaudrait mieux reprendre notre route, dit-il.
— Hum… interrompit Abernathy en faisant claquer ses mâchoires. Où allons-nous, Sire ?
— Ben s’avança vers le chien et posa la main sur son épaule poilue.
— Nous allons là où j’ai dit aux trolls que nous irions, Abernathy ; là où nous aurions déjà dû aller.
— C’est-à-dire ? demanda le scribe avec anxiété.
— Dans le Gouffre Noir. Chez Nocturna.